13/02/2019
Les baux emphytéotiques : comprendre ses spécificités
De nombreux immeubles des 6e et 3e arrondissements de Lyon ont été construits sur des terrains loués par les HCL sur la base d’un bail emphytéotique. Les explications de Dominique Bremens, fondateur de l’étude lyonnaise Bremens & Associés.
Pourquoi autant d’immeubles ont-ils été construits à Lyon sur des terrains loués aux Hospices civils de Lyon sous forme de bail emphytéotique ?
Dominique Bremens : Les Hospices civils de Lyon (HCL) ont bénéficié tout au long de l’histoire de donations, qui leur ont permis d’acquérir un important patrimoine foncier sur la rive gauche du Rhône, dans les 6e et 3e arrondissements. Les premiers baux emphytéotiques consentis par les HCL datent de 1860. C’est la location de ces terrains qui a permis la construction de nombreux immeubles dans ces arrondissements, comme sur la rue de Bonnel. Durant les années 70 et 80, beaucoup d’immeubles
de standing ont vu le jour, sous cette forme juridique, dans le 6e arrondissement.
Quels sont les droits du locataire à bail ?
Ce bail consent au preneur un droit réel immobilier, qui dure 99 ans dans le cas des HCL. Ce droit peut être cédé ou hypothéqué, ce qui ouvre à des financements car l’immeuble peut faire l’objet d’un crédit-bail ou d’un financement hypothécaire. Sur ce modèle, on a imaginé dans les années 60 le droit à construction, qui se différencie
uniquement par l’obligation de construire, alors que ce n’est qu’une faculté pour le bail emphytéotique.
Le locataire perd-il tout droit sur le terrain, et donc sur le bâti qui lui appartient, à la fin du bail ?
Non, car en raison du rôle des HCL dans la construction de la ville, les accords Sudreau/Pradel assurent au locataire une indemnisation en cas d’éviction. À l’époque, cette construction juridique était encore rare et il fallait rassurer les investisseurs extérieurs sur cette spécificité lyonnaise. Mais en pratique, cette situation est rarissime car
juridiquement il faut rendre le terrain nu, or les HCL ne peuvent pas demander la démolition d’immeubles en bon état.
Alors que se passe-t-il généralement à la fin du bail ?
Une nouvelle convention est signée, toujours pour 99 ans. C’est au syndicat de copropriété, lorsqu’arrive l’échéance du bail, de négocier la redevance du nouveau contrat de location. Cette somme est ensuite divisée par le nombre de parts et répercutée sur les charges, ce qui reste modeste pour chaque foyer.
Mais il arrive quand même que le locataire soit évincé du terrain à la fin du bail ?
Ce n’est possible que pour des entrepôts en très mauvais état, voire des immeubles vétustes arrivant en fin de bail et qui ne peuvent être réhabilités. Dans ce cas, les HCL voudront récupérer le terrain et traiter avec un promoteur. A lui d’indemniser les occupants, sur la base de la valeur du marché. Mais il n’y a aucun risque pour les immeubles haut de gamme que commercialise, par exemple, l’agence BARNES.
En cas de doute, que doit faire l’acheteur ?
S’informer évidemment sur la durée du bail restant à courir et les éventuels projets immobiliers des HCL sur ce terrain. À ce titre, le vendeur a une obligation d’information.
La particularité de ce bail a-t-elle néanmoins un impact sur le prix ?
En théorie, on devrait payer 20 % moins cher un appartement construit sur un terrain dont on n’est pas propriétaire. Or ce n’est absolument pas le cas, car ces
immeubles sont souvent cossus et surtout très bien placés. C’est même souvent un atout commercial ! De toute façon, l’usage du bail emphytéotique va s’amplifier car les collectivités souhaitent conserver la maîtrise de leur foncier. Et puis les mentalités changent : aujourd’hui, c’est l’usage qui importe, plus que la propriété.